RSE & Médias : Quelles tendances clés pour 2024 ?

ÉMILIE PROYART

Après 20 ans de carrière dans le digital, à la tête de start-up ou de régie publicitaire, Émilie « bascule ». Elle s’engage dans une formation en Direction du Développement Durable, et en Numérique Responsable, aux côtés des start-up à impact qu’elle accompagne. Consultante, animatrice, conférencière, coach responsable, elle a créé un parcours pour les dirigeant.e.s (« Shake ton business model »). Sa structure d’experts se nomme Sustainably.

Quel est le niveau de maturité, de prise de conscience en matière de durabilité dans le secteur  ?

Il est relativement inégal. On remarque tout de même que la majorité des journalistes sont entré.e.s dans une phase de formation pour mieux traiter les sujets en lien avec le climat et les limites planétaires (on ne parle plus d’anomalie météo mais bien de changement climatique par exemple). Avec l’accélération des dérèglements, les enjeux doivent être compris et présentés de manière déontologique sous peine d’entacher la réputation des médias.

Le secteur s’engage dans une démarche de mesure, et de sensibilisation des collaborateurs. Les approches sont parfois encore timides, peu de budget y est accordé.

Les régies publicitaires commencent aussi à mesurer l’empreinte de la diffusion de la publicité et de leur stack technique. Leurs annonceurs, eux-mêmes engagés dans des démarches responsables, commencent à leur demander des comptes.

Pourquoi les médias devraient s’engager dans une démarche RSE ?

– D’abord leur rôle est primordial pour imaginer la transition nécessaire de nos sociétés. Entre la puissance des récits, des imaginaires qu’ils diffusent, les idées qu’ils installent, les comportements qu’ils façonnent, ils ont un pouvoir gigantesque.

– Ils jouent également un rôle majeur face à la désinformation environnementale et à la montée de l’IA qui va accentuer le phénomène.

– Enfin, la stabilité de leur double modèles d’affaires est en risque : réputationnel, économique, fiscal, légal, opérationnel…

  • Côté publicité, nouvelles réglementations et taxes pèseront de plus en plus fort sur les investissements de l’Automobile, de la « Mal-bouffe », du Pari en ligne. Sans compter les nouvelles tendances de déconsommation. 
  • Du point de vue des abonnements, il est probable que les ménages aient à faire des arbitrages, pour allouer plus de budget à l’alimentation : plus saine, et donc plus coûteuse. 

Cela ouvre des opportunités pour se réinventer, et s’appuyer sur l’utilité sociale du média : la formation de l’opinion publique, le bon fonctionnement de la démocratie, la détection des fakenews favorisées par l’IA,…

Quelles bonnes pratiques pour fédérer ?

  • Acculturer à grande échelle, c’est incontournable aujourd’hui. Par exemple, avec l’atelier 2 tonnes (qui est d’ailleurs passé à l’antenne de France Inter en décembre). Il est très positif et permet d’apprendre, tout en se mettant dans l’action individuelle et collective. La fin de l’atelier s’adapte aux enjeux de communication interne.
  • Puis former aux enjeux du secteur, du métier, et proposer régulièrement des fresques, ateliers, MOOC et les inscrire au programme de formation à la demande.
  • Penser à communiquer en interne et en externe sur ses premières actions et ses engagements.
  • Inviter les équipes à créer / participer à un Comité RSE, qui intégrera également vos parties prenantes externes.
  • Pour les plus avancés, s’engager dans une démarche de coopétition, l’essence même du GESTE !

La conduite du changement est un processus long qui nécessite rythme et répétition. Il faut persévérer pour voir les maturités évoluer, et rester positifs ! Collectivement on peut faire bouger les choses.

Est-ce que la RSE peut être un atout pour attirer de nouveaux talents ?

Bien-sûr ! Toutes générations confondues les candidats s’intéressent à l’aspect social et à l’éthique : sécurité physique et psychologique du personnel, respect, égalité salariale femmes-hommes, pratiques économiques éthiques. Ils voudront aussi connaître vos engagements en matière d’environnement.

Comment intégrer la RSE dans la stratégie d’entreprise ?

Il est primordial d’effectuer un diagnostic 360, intégrant toutes les parties prenantes internes et externes, puis de travailler sur un business model Canvas intégrant les enjeux environnementaux, sociaux, sociétaux et économiques.

En parallèle, le développement personnel entre en jeu. Ces sujets nécessitent de faire face à des émotions peu plaisantes. Travailler avec les facteurs humains favorise le passage à l’action. 

La meilleure stratégie RSE ne produira rien qui soit à la hauteur des enjeux, économiques inclus, si elle ne devient pas LA stratégie d’entreprise.

Comment trouver le bon équilibre entre performance, éthique et responsabilisation ?

De quelle performance parle-t-on et dans quel but ? Je lui préfère le mot de robustesse qui permet une adaptabilité maximale face aux événements imprévisibles et à ce monde devenu complexe, incertain,… Le bon équilibre est une recette propre à chaque entreprise. Si elle cherche une autre forme de valeur que celle uniquement économique, des modèles alternatifs, et qu’elle a identifié son utilité sociale, cet équilibre viendra naturellement et collectivement.

Vous qui vous êtes lancée dans cette nouvelle voie, quels conseils donneriez-vous à celleux qui souhaitent se lancer, se former ?

Il existe de nombreuses formations en présentiel et/ou en asynchrone, courtes ou longues : Direction ou Conseil en Développement Durable, Bilan Carbone, Reporting Extra-financier (CSRD),.. Vous pouvez également faire le choix de vous spécialiser dans un domaine précis en lien avec votre secteur ou vos appétences. Pour ma part, en parallèle d’une formation généraliste avec Ecolearn, j’ai accompagné des startups à impact en Numérique Responsable pour développer cette expertise précise, et j’ai complété avec quelques fresques : Fresque de la Pub, des Nouveaux Récits, du Facteur Humain, ainsi qu’un Parcours « Imp’act » sur les sciences cognitives et la bascule. Le salon gratuit “Talents for the Planet” le 6 mars prochain peut vous aider à vous orienter. J’y interviendrai lors d’un atelier où nous parlerons parcours et coaching. N’attendez plus 😉