[CR] Le business model des éditeurs face aux règlementations nationales et européennes – 3 novembre 2020

Présidé par Maître Etienne Drouard, Avocat Associé, Hogan Lovells, avec :

Cette Commission Juridique a été l’occasion pour nos intervenants de présenter les chantiers juridiques traités au sein du GESTE et structurants pour le business model des éditeurs de contenus et de services en ligne.

LIGNES DIRECTRICES ET RECOMMANDATIONS COOKIES

Accéder à la présentation Hogan Lovells 

Accéder à la présentation d’AT internet 

Accéder au compte-rendu de la session Q&R avec la CNIL

EPRIVACY

Le 16 juillet 2020, le Privacy Shield a été invalidé par la CJUE suite à une action diligentée par l’autrichien Max Schrems.

Pour rappel, cette décision invalide le Privacy Shield, un des mécanismes les plus utilisés pour assurer les transferts des données des utilisateurs de l’Union Européenne vers les Etats-Unis : La CJUE a considéré que la législation américaine ne pouvait garantir un niveau suffisant de protection (notamment en raison des instruments dont bénéficient les agences de renseignements américaines comme le Cloud Act ou le Patriot Act qui permettent à ces agences d’accéder facilement aux données à caractère personnel détenues par les entreprises). 

La CJUE n’a laissé aucun délai de grâce aux responsables de traitement pour se mettre en conformité. 

Conséquences : 

  • Les contrats dont le transfert de données aux USA est basé sur le privacy shield ne permettent plus d’assurer un transfert de données licite vers les Etats-Unis 
  • Une responsabilité accrue des Responsables de Traitement : Les clauses contractuelles types ne sont plus suffisantes, il appartient à chaque RT d’évaluer le niveau de protection de données, alors même qu’aucune autorité européenne n’y est parvenue. En effet, selon l’EDPB les CCT devraient contenir des clauses complémentaires car elles ne sont pas autosuffisantes pour rendre les transferts licites. 

Comment réagir ? 

  • Cartographier les transferts vers les Etats-Unis (et plus généralement tous les pays qui n’offrent pas une législation adéquate) 
  • Identifier si les transferts sont véritablement nécessaires ;
  • Sensibiliser la direction des achats pour sécuriser les prochains achats : Plusieurs partenaires proposent de localiser uniquement les données dans l’Union Européenne sans transfert, mais cela a un coût. 
  • Identifier les outils d’encadrement ;
  • Identifier si l’article 49 peut être mobilisé → Attention cet article permet de valider de manière ponctuelle des transferts sur la base d’exemptions tels que le consentement, l’intérêt public, le contrat … mais la CNIL rappelle que cela ne fonctionne que si le transfert n’est pas systémique. Or, les transferts relatifs aux traceurs sont souvent systémiques ; 
  • Identifier les mesures juridiques et techniques à mettre en place. Solutions à explorer: réfléchir à des mécanismes de chiffrement des données 

Guidelines de l’EDPB soumise à consultation publique
Nouvelles clauses contractuelles types

DIGITAL SERVICES ACT

La Commission envisage de rendre public une proposition le 9 décembre prochain (une semaine plus tard qu’initialement prévu).

Un paquet régulation et concurrence devrait alors être proposé intégrant probablement une création de liste noire/grise/blanche des pratiques qui pourraient être appréhendées par des régulateurs de manière relativement systématisée en plus des autres outils d’intervention disponibles, du nouvel outil de concurrence et des obligations nouvelles qui seraient imposées aux opérateurs structurants. 

Le nouvel outil de concurrence pourrait être utilisé par la Commission elle-même voire éventuellement par les autorités de concurrence nationales dans la logique d’application du droit des pratiques anticoncurrentielles qui est décentralisée, mais qui fait l’objet d’une coordination entre les autorités de concurrence européennes au sein du réseau européen de concurrence (REC).

La Commission donne des indications sur les orientations : 

  • Peu favorable au démantèlement des opérateurs numériques mais cette possibilité reste débattue au sein de la Commission – elle pourrait éventuellement être intégrée dans un mécanisme de dernier recours.
  • Obligation de partage et d’accès aux données, renforcer l’interopérabilité. Cette proposition va dans le sens des travaux du GESTE sur le partage des données essentielles (éditoriales et publicitaires) afin qu’elles puissent être accessibles.
  • Accentuer la transparence des algorithmes, expliquer le fonctionnement des algorithmes pour en comprendre les biais : sous l’angle de la concurrence, mais aussi sur les discours haineux, fake news etc. Cette obligation de transparence serait envisagée vis-à-vis des pouvoirs publics (autorités de concurrence a minima et probablement les régulateurs le cas échéant dédiés ou sectoriels en fonction des arbitrages sur le pilotage de ces nouvelles règles).

Objectifs : 

  • Traiter des problèmes structurels de concurrence qui ne sont pas appréhendés aujourd’hui.
  • Permettre à la Commission européenne d’agir plus vite sur les dysfonctionnements des marchés avec des outils d’intervention larges, même si dans le respect du principe de proportionnalité

DROITS VOISINS

A date, certains éditeurs IPG semblent avoir trouvé un accord avec Google, certains seraient en discussion dans le cadre du groupe de travail mené par l’Alliance, certains n’ont pas eu de retour à leur demande de discussions, certains ont eu des discussions individuelles. La plateforme ne souhaite négocier qu’avec les éditeurs IPG et refuse d’entrer en négociation avec les éditeurs non IPG. 

Pour les autres éditeurs, entrant dans le champs d’application de la loi, c’est à dire, toute personne physique ou morale qui édite une publication de presse ou un service de presse en ligne au sens de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, d’autres démarches sont possibles.

->Il est possible d’agir devant le tribunal de commerce pour discuter et débattre de l’interprétation de la loi et de sa mise en œuvre, solliciter une expertise judiciaire pour le calcul de la rémunération, solliciter la communication sous astreinte journalière des éléments nécessaires à une négociation, le cas échéant dans une data room virtuelle accessible uniquement par un nombre restreint de personnes habilitées par le tribunal sur le modèle de l’ordonnance de la CJUE rendue le 29/10/20 dans l’affaire Facebook/Commission.

->La procédure de l’ADLC est toujours ouverte et tout éditeur peut fournir un témoignage/des infos qui peuvent être intégrés auprès de la procédure. Il est possible pour les éditeurs d’adresser un courrier à l’Autorité afin d’ajouter des éléments à la procédure. Il leur est possible de témoigner de leurs difficultés auprès de l’ADLC ainsi que de tenter de solliciter la communication par Google des éléments nécessaires au calcul de la rémunération, le cas échéant dans une data room virtuelle accessible uniquement par un nombre restreint de personnes habilitées sur le modèle de l’ordonnance de la CJUE rendue le 29/10/20 dans l’affaire Facebook/Commission.

De son côté, le GESTE travaille à identifier les préoccupations qui peuvent se poser dans les négociations. Nous vous tiendrons au courant de ces travaux. N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’infos et des moyens d’agir.

AUDIO DIGITAL : LES DROITS D’AUTEUR SUR LES PODCASTS

Le GESTE a entamé des négociations cadre avec les organismes de gestion collective (SACEM, SACD et SCAM dans un premier temps) afin d’encadrer les barèmes sur l’utilisation des oeuvres dans les podcasts.

Le GESTE a validé les conditions avec la SCAM qui ont déjà signé par 3 membres éditeurs(Louie Media, Bababam et Binge.audio).

Avec le SACEM, les négociations continuent. 

Nous avons travaillé sur une approche différenciée en fonction des types de podcasts : Sport&Information (taux de 3 à 6%), Généraliste(de 3 à 9%), Musique (6 à 12%), avec des minimums garantis de 50euros à 200euros par an.

Avec la SACD: l’organisme a pris du retard dans la mise en place d’un barème podcast.

La SACD prévoit actuellement un taux de 2,5%, avec des minimums garantis encore trop importants (500euros/épisode). Nous avons partagé les données certifiées par l’OJD afin de trouver un système plus en phase avec l’économie des podcasts.

Barème de la SCAM :

Taux brut d’intervention : dépend de la présence du catalogue SCAM sur le service (défini par la SCAM après échange de documentation entre l’éditeur et la SGC).

  • Modèle publicitaire : le taux brut va de 0,15% à 4,50% par tranche progressive (4,50% quand le répertoire de la SCAM représente plus de 50% de l’offre).
  • Assiette : recettes publicitaires, parrainages, dons et subventions;
  • Modèle abonnement : le taux brut va de 0,20% à 6%, par tranche progressive
  • Assiette : recettes d’abonnement
  • Modèle à l’acte : taux plein, de 4,50% (assiette = prix de détail HT, pas d’abattement).
  • Pour les deux modèles il y a aussi les recettes nettes que le service perçoit quand il est distribué par un tiers. Exemple : sur un modèle de flux RSS, un éditeur met à disposition ses podcasts, s’il y a un partage de recette avec le distributeur, les recettes nettes entreront dans l’assiette.

Abattements :

  • Modèle publicitaire : frais de régie pub, au réel, capé à 30%
  • Modèle abonnement : pour frais marketing de recrutement d’abonnés, au réel, capé à 21%
  • Accompagnement au lancement des services : abattement dégressif sur les 3 premières années -20%, -15% puis -10%.
  • Pour les services qui justifient d’un label RIAM ou équivalent, l’abattement est doublé.

Minimum garanti : 

  • Plancher, en fonction du modèle : Gratuit : 1500 euros/an, Payant : 2500 euros/an
  • Par utilisateur actif (au moins une session d’écoute dans la période de déclaration faite à la SCAM : annuelle/trimestrielle) : 1 centime d’euros / période de déclaration / utilisateur actif.
  • Par abonné (modèle payant) : 1 centime / mois / abonné

Territoires :  France, Belgique, Luxembourg, Monaco, Canada francophone

La SCAM peut aussi couvrir les œuvres des sociétés étrangères via ses sociétés sœurs (ex : Pologne, Suisse).