29 Mar Blockchain : Les médias doivent-ils s’y intéresser ?- 29 mars 2018
Une table ronde animée par Sarah Benayoun, Chef projet Union Presse à CB Media.
Avec la participation de :
– Antoine Yeretzian, Blockchain Partner – Benoit Defamie, BlockchainyourlP –Sylvain Travers, Hubvisor – Pascal Jardé, Moonify – Stéphane Dugelay, Mediarithmics
Alors que les mutations économiques et technologiques sont toujours plus violentes et impactantes, la blockchain va–t–elle être, sinon la recette miracle, très certainement un chainon dans les nouveaux modèles recherchés par les éditeurs ?
Lexique
Blockchain: technologie qui permet à une communauté de se mettre d‘accord sur un état de réseau. Cette technologie permet de partager une vérité, sans la centraliser.
Smart contract: programme autonome qui, une fois démarré, exécute automatiquement des conditions inscrites en amont dans la blockchain, sans nécessiter d‘intervention humaine. Il fonctionne comme toute instruction conditionnelle de type «if – then >> (si telle condition est vérifiée, alors telle conséquence s‘exécute).
Minage : utilisation de la puissance de calcul informatique afin de traiter des transactions, de sécuriser le réseau et de permettre à tous les utilisateurs du système de rester synchronisés.
Proof of work: « preuve de travail » ou « preuve de calcul« , mécanisme permettant de valider les transactions sur la blockchain. Les participants sont tirés au sort, et rémunérés pour valider le nouvel état du réseau suite à une transaction.
Token : Un token est un actif numérique pouvant être transféré (et non copie) entre deux parties sur Internet, sans nécessiter l‘accord d‘un tiers. Un token se distingue d‘un titre financier, et donc de la réglementation associée, par le fait qu‘il possède une valeur d‘usage. Les possibilités d‘usages d‘un token sont très nombreuses. Entre autres, un token peut représenter un droit (d‘usage d‘un produit/service ; d‘accès ; de vote; etc.); un moyen de paiement...
Retrouvez l‘ensemble des définitions ici : https://blockchainfrance.net/le–lexique–de–la blockchain/
Qu‘est–ce que la blockchain ?
Concrètement avec le cas des bitcoins :
La blockchain permet à une communauté de s‘organiser et de tenir un registre sans passer par un centralisateur. La blockchain va permettre d‘enregistrer et de maintenir une vérité. Pour chaque transaction, la communauté s‘auto–organise, par un système de consensus pour dire qui a des bitcoins, qui en a perdu et qui en a gagné.
L’échange de bitcoins n‘est qu‘un exemple de ce qui peut être fait sur la blockchain.
Comment ça marche ?
La blockchain repose sur des technologies existantes telles que les bases de données distribuées.
La blockchain fonctionne avec la notion de consensus qui permet de mettre d‘accord une communauté en pair à pair, sans passer par un tiers centralisateur, sur une vérité sur un réseau. A l‘inverse du notaire qui détient sur un registre propre l‘historique des transactions, sur la blockchain la vérité n‘est pas donnée à un tiers de confiance mais elle est dupliquée. Dupliquer la donnée permet de s‘assurer qu‘elle ne soit pas modifiée.
Si un participant souhaite changer cette vérité, il devra alors récupérer plus de la moitié des copies pour la modifier.
Aujourd‘hui, sur le réseau bitcoin il y a 12 000 exemplaires dans le monde de tout ce qu‘il s‘est passé sur le réseau. Tous les participants vont pouvoir s‘assurer que le réseau n‘a pas été modifié en ayant accès à tout l‘historique.
Plusieurs notions accompagnent la blockchain : la transparence, le partage de l‘information, la traçabilité.
Les opportunités de la blockchain pour les éditeurs :
La monétisation du trafic :
Certaines startups, comme Moonify, offrent de nouvelles façons de monétiser le trafic et l‘audience. Le processeur de l‘utilisateur est utilisé pour miner sur la blockchain. Cette solution fait du processeur de l‘utilisateur un moyen de paiement où l‘utilisateur est récompensé pour son temps passé sur le site.
Ce nouveau modèle économique permet de ne pas déranger l‘internaute pendant sa navigation et, pour l‘éditeur qui utilise cette puissance de calcul, de générer de la valeur. Pour l‘éditeur, la valeur créée sur le temps de cerveau disponible est remplacé par de la valeur créée sur le temps de calcul disponible.
La fidélisation et l‘acquisition d‘utilisateurs :
Le minage peut–être fait lors d‘un visionnage de film, de l‘écoute de musiques ou du temps passé sur le site de presse.
La blockchain permet ainsi à l’éditeur d‘avoir un argument de poids pour inciter l‘utilisateur à rester sur sa page. Plus l‘utilisateur restera sur la page plus son processeur sera utilisé pour miner.
Concrètement, une plateforme de musique pourrait proposer un abonnement gratuit qui préviendrait l‘utilisateur qu‘il n‘a pas écouté assez de musique pour que le service reste gratuit. La blockchain permettrait ainsi de passer d‘un modèle où l‘utilisateur paie pour un service premium à un modèle ou l‘utilisateur doit rester sur la plateforme et écouter de la musique pour ne pas avoir à payer.
La traçabilité et la certification :
Une des caractéristiques de la blockchain est le caractère immuable des données rentrées. Il n‘est pas possible d‘effacer ce qui a été écrit sur la blockchain. La date d‘inscription ainsi que l‘auteur d‘une oeuvre peuvent être prouvés. La blockchain permet de protéger n‘importe quel contenu et de prouver son antériorité.
La SACEM France commence déjà des tests sur la blockchain notamment pour rémunérer les ayants–droit à chaque fois qu‘un titre musicale est diffusé.
La blockchain et les modèles publicitaires :
La blockchain peut aussi permettre de repenser le modèle publicitaire.
Aujourd‘hui un grand pan de l‘économie ne fonctionne que par des contenus gratuits d‘un côté, et des géants du net qui se rémunèrent grâce à des activités publicitaires construites sur la base des données collectées de l’autre.
Avec la blockchain, toute cette industrie pourrait être rééquilibrée.
Le contrat de lecture n‘est pas simple entre les éditeurs et les utilisateurs. Ces derniers ne veulent plus payer comme avant. La blockchain va pouvoir rendre plus opérationnelle la chaîne de valeur des médias.
Demain, des éditeurs pourront proposer du contenu premium, gratuitement en échange :
– d‘une participation au réseau bitcoin via le processeur des utilisateurs ;
par l‘utilisation de tokens, que l‘utilisateur pourra stocker dans un système de wallet, qui lui permettront d‘accéder à un type de contenu particulier (Sport etc.).
Face aux publicités intrusives et au développement des adblocks, la blockchain représente une opportunité pour regagner la confiance des utilisateurs. Cependant, si le monde de la blockchain ne risque pas de s‘opposer au monde de la publicité, un nouvel écosystème va se créer intégrant les spécificités de chacun.
Est–ce déjà trop tard ?
Le bitcoin ne date que de 2009. Les applications sont encore naissantes.
Il n‘est ni trop tôt ni trop tard pour commencer à étudier la blockchain et commencer à imaginer des applications.
Sur le marché des médias, des startups commencent à se développer sur ce sujet. La maturité de la technologie n‘est pas encore là, mais va arriver très rapidement.
Commencer maintenant est le meilleur moment pour tester cette technologie et réfléchir à de possibles applications.
Combien peut–on espérer en tirer ?
Dans le cadre du minage, cela dépend de plusieurs critères : la puissance de calcul, le temps alloué, le cours de la crypto monnaie qui est minée et qui très volatile.
Si l‘objectif est l‘acquisition d‘utilisateurs : la blockchain peut permettre d‘en gagner et de les fidéliser en leur donnant la possibilité d‘avoir accès à du contenu premium gratuitement tout en augmentant leurs temps de rétention.
Si l‘objectif est de créer un nouveau mode de monétisation, des tests doivent être menés pour avoir une première idée de la valeur qui peut en être tirée. Différentes questions vont également se poser : faut–il vendre la cryptomonnaie tout de suite ou faut–il attendre que le cours augmente ? L’éditeur peut–il avoir une activité spéculative
Pour l‘instant, la vraie valeur reste dans l‘acquisition d‘audience et dans la fidélisation. Si l‘utilisateur est récompensé, via sa puissance de calcul, avec un accès à un contenu premium ou avec des cryptomonnaies, cela va favoriser sa rétention et sa fidélisation. L‘utilisateur peut passer de simple anonyme à acheteur potentiel.
Le secteur des médias serait–il l‘un des plus prometteurs pour la blockchain ?
Les ICO (Initial Coin Offering) vont permettre de développer de nombreux projets. Une ICO est une nouvelle manière de financer l‘innovation via la blockchain. Il s‘agit d‘une méthode de levée de fonds fonctionnant via l‘émission d‘actifs numériques échangeables contre des crypto monnaies durant la phase de démarrage d‘un projet.
(https://icomentor.net/2017/08/01/ico–definition–explication/)
Des levés de fonds vont pouvoir être faites au niveau mondial, sans frais, sans banques. Des startups ont déjà levé plus de 30 millions de dollars en quelques heures, via la blockchain.
Le secteur des médias n‘est pas celui où la blockchain va se développer le plus vite. Cependant ce secteur se révèle très intéressant pour observer la façon dont les utilisateurs vont appréhender cette technologie. Les applications, telles que le paiement de l‘abonnement en fonction de la puissance de calcul de son device, vont ouvrir aux utilisateurs la technologie de la blockchain et leur permettre de s‘en emparer assez rapidement.