11 Déc Table Ronde Contenus Payants – 11 décembre 2018
Table ronde animée par Philippe Jannet, Directeur de la rédaction, l‘Express.
Quelles sont les bonnes pratiques à adopter en matière de contenus payants ?
Pour tenter de répondre à cette question le GESTE a réuni quatre éditeurs, spécialisés dans des domaines très différents. Tous ont accepté de partager avec les membres du GESTE leur stratégie en matière d‘offres payantes.
– Estelle Coulon, Directrice Marketing, Mediapart – Alexis de Gemini, Directeur Général, Deezer France – Pascal Laroche, Directeur Général, Newsweb – Boursier.com – Et Stéphane Pere, EVP Business Development, The Economist
Miser sur une ligne éditoriale bien définie et un contenu de qualité
L‘ensemble des éditeurs s‘accordent sur le fait qu‘un contenu de qualité et une ligne éditoriale bien définie sont des préalables indispensables au succès d‘une offre payante. Au–delà de la qualité, les éditeurs présents insistent également sur la quantité et la diversification des types de contenus (articles, musique, vidéos, podcasts) necessaires pour maximiser l‘engagement.
– Medipart publie trois editions par jour et diversifie son offre écrite en proposant des podcats, des vidéos, des live.
–C‘est également le cas de The Economist qui propose des versions audios téléchargeables des articles ainsi que des documentaires vidéos et mise sur l‘offre Espresso pour susciter un engagement quotidien.
–Deezer possède le plus grand catalogue de musique au monde et mise sur un algorithme de recommandation puissant et des sélections éditoriales pertinentes pour chaque pays.
Diversifier les offres
I Typologies des offres
Si les éditeurs présents ont tous une stratégie tarifaire différente du fait de leur spécificité, on observe tout de même des similitudes dans la typologie des offres proposées.
Pour favoriser l’acquisition et la fidélisation des abonnés, les éditeurs proposent en général:
– une offre classique au mois ou à l’année, avec, dans ce cas, un prix de revient au mois plus intéressant
– une offre adaptée à differents publics (étudiants, faibles revenus, spécialistes) – une offre découverte à un prix très avantageux – des offres promotionnelles exceptionnelles en fonction des périodes ou de l’actualité: pour ces dernières les strategies varient en fonction des particularités de chaque editeur. (Marketing editorial, marketing periodique ... )
I Quid des offres gratuites ?
Par ailleurs, si certains font le choix du « tout payant d’autres proposent également une offre gratuite, financée par la publicité, en contrepartie d’un accès limité aux contenus ou d’une expérience moins confortable.
Médiapart a ainsi bâti sa stratégie autour d’un modèle « tout payant », qui était un préalable indispensable pour proposer une information de qualité sans revenus publicitaires et sans subvention. Au contraire, Deezer à son lancement, proposait une offre totalement gratuite avec très peu de publicités, ce qui lui a permis d’avoir très vite une grande base utilisateurs et autant de potentiels abonnés payants.
Le choix du « tout payant » est en général adossé à un modèle fermé, comme celui de Médiapart, qui laisse très peu de zones accessibles sur son site. Mediapart peut, très occasionnellment, ouvrir son site si le contexte est favorable : actualité forte, scoop .. sur une période très courte (1 jour).
Pour les autres éditeurs présents, les offres gratuites et l’accessibilité aux contenus, y compris en dehors des offres payantes, sont incontournables dans leur stratégie marketing. Par exemple, The Economist offre un article par semaine et trois articles si le lecteur s’enregistre.
I Quid de la publicité dans les espaces abonnés ?
Médiapart considère que la publicité pourrait nuire à son indépendance. Seuls des espaces d’autopromotion sont présents dans la zone abonnés.
Pour Deezer, la publicité est un élément differenciant entre l’offre gratuite et l’offre payante, sur cette dernière, il n’y a donc aucune publicité.
En revanche, la publicité dans la zone abonnés fait partie intégrante du business model de The Economist et Boursier.com. Elle est cependant très encadrée afin de ne pas créer d’interférences avec le contenu.
Savoir recruter, fidéliser et engager ses abonnés
– Développer sa présence sur les réseaux sociaux : Les réseaux sociaux sont un canal de recrutement très important et sont des outils clés de fidélisation et d’engagement. La plupart des éditeurs ont des équipes dédiées. Chaque réseau a ses cibles, son écriture et ses objectifs, il faut donc ajuster sa stratégie en conséquence et créer des contenus cohérents. L’écriture doit être adaptée aux spécificités de chaque réseau. The Economist a d’ailleurs confié la gestion des réseaux sociaux aux équipes journalistiques. Chez Mediapart, les réseaux sociaux sont gérés par le département communication, qui collabore étroitement avec les journalistes sur ce point. Pour Alexis de Gemini, l’écriture est si importante qu’il pourrait un jour envisager de recruter des journalistes pour accompagner le community management de Deezer
– Faire de l’achat média : les éditeurs font de l’achat Média à des degrés plus ou moins importants. Pour Deezer et The Economist l’acquisition sous toute ses formes
(display, social, achats de mots clés, programmatique) et sur tous les canaux (télévision, audio, web, cinéma) est une dimension clé de leur stratégie d’acquisition. L’enjeu est de parvenir à optimiser les coûts d’acquisition et à retenir le client sur le long terme. L’achat média, sous toutes ses formes, est également très important pour Mediapart qui mise sur le web.
– Adapter ses campagnes promotionnelles à l’actualité
– Se constituer une base prospect : Parrainage, partenariat, log obligatoire
– Mettre en place des indicateurs clés permettant de repérer les abonnés moins actifs
– Miser sur le produit lui-même : Savoir faire les bonnes recommandations, utiliser les pushs notifications de l’application pour réengager les utilisateurs moins actifs
– Bien doser son CRM
– Mettre en place un onboarding efficace et performant
– Segmenter de manière pertinente : Cela permet de pousser l’offre la plus adaptée possible au profil d’un internaute. Les segments sont propres à chaque éditeur et doivent être adaptées à leurs spécificités et à leurs offres. Par exemple, Deezer segmente en fonction de l’âge, de la consommation de la musique, du pouvoir d’achat, du comportement. Boursier.com ne fait pas de segmentation pour le moment, mais souhaite mettre en place un système d’options intéressant des cibles différentes (conseiller en patrimoine, investisseurs …) et travaille actuellement sur une segmentation permettant de pousser les bonnes options à la bonne cible.
Mettre en place un service client efficace
Le service client est un élément stratégique pour les éditeurs proposant une offre payante. La plupart des éditeurs présents ont fait le choix d’internaliser leur service client afin de mieux le contrôler. Les équipes doivent pouvoir répondre, de la manière la plus juste, la plus fine et la plus rapide possible à des problématiques très différentes (problèmes techniques, prix de l’abonnement, spamming de mail, choix éditoriaux) et doivent idéalement pouvoir adapter leur discours à chaque client.
Une difficulté supplémentaire pour Deezer et The Economist consiste à gérer leur dimension internationale et leur grand nombre d’abonnés. Le service client de Deezer est ainsi composé d’un grand nombre de personnes qui traitent les demandes de clients partout dans le monde en 25 langues.
Le contact avec l’abonné peut se faire via différents canaux : mail, courrier, téléphone, chat mais également directement via les réseaux sociaux qui demandent une attention particulière en ce qu’ils constituent une vitrine pour la réputation de la marque.
Quels sont les obstacles et difficultés à surmonter ? I Le churn dû à l’expiration des moyens de paiement Des modes de paiments comme Simpay, utilisé par Mediapart, ou le paiement par l’intermediaire des factures opérateurs pour Deezer permettent de limiter ce problème. Il faut également miser sur un CRM actif, en ciblant les abonnés ayant un moyen de paiement arrivant à expiration ou encore pousser une offre promotionnelle aux abonnés n’ayant pas actualisé à temps leurs coordonnées de paiement.
I Faire évoluer le prix de l’offre sans churn
Lorsque les offres s’enrichissent et évoluent, les éditeurs doivent réussir à faire évoluer leurs tarifs sans crainde pour le churn. Ainsi pour passer l’abonnement de 9€ à 11€, Médiapart a procédé en deux temps. Le nouveau tarif était proposé uniquement aux prospects tandis que les abonnés en cours pouvaient conserver, dans un premier temps, le même tarif. En procédant par pallier, Médiapart a pu opérer cette augmentation sans déperdition.
I Se distinguer parmi la multiplicité des offres payantes et la concurrence massive
I Lutter contre les grands acteurs du numérique proposant des offres tout en un.
Présentation de l’Observatoire des Médias par Maxime Moné, co-founder de Poool
L’Observatoire des Médias aurait pour projet de permettre aux éditeurs de se benchmarker par rapport à des KPI’s-clés autour de l’engagement et de l’acquisition des lecteurs. Il a pour objectif de faciliter la prise de décision et créer des repères sur un marché du payant encore jeune.
Une réunion de travail est prévue le 8 janvier 2019 à 16h. Si vous souhaitez y participer, contactez-nous à l’adresse suivante : [email protected]