23 Fév Commission Juridique – 22 janvier
DATA POOLING ET PARTAGE DE VALEUR
Maître Fayrouze Masmi-Dazi – Avocate à la Cour, Partner – Freih associés
L’objectif porté par le groupe de travail Data pooling, est d’identifier des données ou catégories de données essentielles aux activités des éditeurs détenues par certaines plateformes et de trouver des solutions permettant d’en faciliter l’accès par tous les acteurs de la chaîne.
Ces travaux sont particulièrement nécessaires pour les pouvoirs publics qui ont besoin de remontées « marché » afin de structurer leurs éventuelles actions.
Lors de ce groupe de travail, trois catégories de données ont fait l’objet d’une convergence quasi parfaite des éditeurs :
– Les données sociodémographiques
– Les données d’intention (comportementales, données de transactions…)
– Les données de contact (email ou adresse permettant de contacter l’utilisateur),
Ces données apparaissent en effet essentielles au développement de leurs activités numériques (innovation, stratégie éditoriale …) et à la pérennité de leur modèle économique et sont en grande partie détenues par les GAFAM, sans partage effectif de la valeur.
Pourtant, l’accès à ces données par les éditeurs apparaît impérativement nécessaire pour développer l’économie, fluidifier le marché, et réduire éventuellement la dépendance de certains acteurs vis-à-vis des plateformes ou rééquilibrer les relations commerciales entre eux.
PROJET DE RECOMMANDATIONS DE LA CNIL ET RECOURS DE L’INTERPROFESSION AU CONSEIL D’ETAT
Intervention de Maître Etienne Drouard – Avocat à la Cour, Partner Hogan Lovells – Président de la commission juridique du GESTE
A l’occasion de son intervention Maître Etienne Drouard est revenu en détail sur les points centraux du recours devant le Conseil d’État initié par l’interprofession, ainsi que sur les dernières décisions de la CNIL en matière de cookie.
Pour rappel, CNIL a publié, le 14 janvier 2020, son projet de recommandations opérationnelles relatives aux modalités de recueil de consentement concernant les cookies et traceurs. Cette recommandation est censée illustrée à l’aide d’exemples concrets et pratiques les lignes directrices du 4 juillet 2019, par ailleurs contestées par le GESTE et huit autres associations professionnelles devant le Conseil d’État.
Pour élaborer cette recommandation, la CNIL avait organisé 4 ateliers cet automne afin de recueillir les attentes des professionnels d’une part, et celles de la société civile d’autre part. Pour autant, le projet qui en découle, soumis à consultation publique jusqu’au 25 février 2020, ne reflète pas les positions exprimées par les professionnels durant cette phase de concertation.
En effet, l’Autorité n’a pas repris les propositions de l’interprofession, notamment le projet de Consent Management Platform, qui permettaient pourtant d’assurer un juste équilibre entre protection de la vie privée et survie des entreprises dans le strict respect du RGPD.
Au contraire, en instaurant, entre autre, un véritable droit au refus (obligation de présenter un bouton tout refuser en premier niveau, obligation d’enregistrer le refus aussi longtemps que l’acceptation), en incitant au paramétrage au niveau du navigateur, en dressant une liste très stricte de cookies exemptés de consentement, la CNIL adopte une vision très stricte du RGPD, très éloignée des réalités opérationnelles, préjudiciable pour tout le marché et par ricochet pour les internautes eux-mêmes.
Que ce soit à travers le recours, ou au cours des ateliers, les enjeux défendus par l’interprofession sont clairs :
– Garantir les revenus publicitaires : La fin des cookies tiers sonnerait le glas du modèle de financement publicitaire (notamment ciblée) sur lequel les éditeurs de contenus et services en ligne ont basé leur développement numérique, et qui permet aux utilisateurs de bénéficier de contenus de qualité, gratuitement
– Encourager l’innovation et le développement numérique des médias
– Préserver la pluralité, la diversité et la qualité de l’information
– Rester compétitifs face aux acteurs européens et mondiaux soumis à une réglementation ou une interprétation plus souple
– Éviter de renforcer la position dominante des GAFAM au détriment des éditeurs de contenus et de services en ligne
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à consulter la tribune de Maître Corinne Thiérache et Maître Etienne Drouard / Maître Anais Ligot
LE DROIT VOISIN DES EDITEURS DE PRESSE
Laurent Bérard-Quélin – Président FNPS – la presse spécialisée et professionnelle
L’article 15 de la Directive droit d’auteur de 2019 vient reconnaître la valeur des investissements effectués par les éditeurs de presse sur les contenus en ligne. A la différence du droit d’auteur qui protège la création résultat de l’effort intellectuel des auteurs, le droit voisin protège l’investissement nécessaire pour financer la création et la mise à disposition d’un contenu de presse.
Les GAFAM et particulièrement Google génèrent une activité économique grâce à des contenus qu’elles n’ont pas participé à créer. La valeur ainsi créée, qui ne pourrait pas l’être sans l’existence préalable des contenus, doit donner lieu à une légitime rémunération équitable des éditeurs de presse.
Plusieurs éléments sont à retenir :
– Les exceptions et leurs limites prévues par le nouveau droit voisin. Les actes d’hyperlien et l’utilisation de mots isolés ou de très courts extraits d’une publication de presse restent hors champ d’application du nouveau droit. Aucune quantification (en proportion ou en nombre de mots) n’a été prévue par la directive ou la loi française, un décret pourrait cependant venir quantifier pour réparer une interprétation trop laxiste des tribunaux. En tout état de cause, la loi prévoit que la mise en œuvre d’une exception ne doit pas remettre en cause le droit en tant que tel. Le droit voisin est limité à une durée de deux ans à partir du 1er janvier de l’année suivant la date à laquelle la publication de presse a été publiée et ne concerne pas les utilisations privées ou non commerciales par des utilisateurs individuels.
– La rémunération des journalistes : une part appropriée et équitable de la rémunération devra être redistribuée aux journalistes. Les négociations des accords avec les journalistes devront donc être rouvertes. En cas de blocage, une commission pourra également être créée pour trouver un accord éditeurs/journalistes dans les 6 mois.
– La définition de la publication de presse s’entend comme toute publication d’œuvres littéraires de nature journalistique publiées dans les médias quels qu’ils soient, y compris sur papier. Les œuvres littéraires peuvent comprendre des photographies ou des vidéos. Les reproductions et mises à disposition du public de contenus de presse visées par le droit voisin ne concernent que les réutilisations numériques. En France, la reconnaissance par la CPPAP n’est pas un préalable obligatoire, même si cela constitue un indice important. Tous les éditeurs de presse sont concernés et pas seulement les éditeurs de presse d’information politique et générale.
– Il n’est pas possible de cumuler le droit voisin et le droit d’auteur : Si l’éditeur a déjà mis en place une licence sur la base du droit d’auteur, il ne pourra pas demander en plus le paiement de droits voisins.
– Google a annoncé, un mois avant l’entrée en vigueur de la loi de transposition, qu’ils ne comptaient pas payer les droits voisins. Les éditeurs ont dû faire un choix : laisser Google dégrader l’affichage des résultats en ne laissant que le lien hypertexte et le titre OU autoriser Google à reprendre gratuitement une partie du contenu (snippet, vignette, aperçu vidéo). L’autorisation est donnée via des balises : nombre de caractère, taille de l’image, durée de l’aperçu … Google s’est adressé en général aux éditeurs figurant dans Google News.
Facebook a contacté les éditeurs de service de presse en ligne CPPAP la veille de la mise en œuvre de la loi :
Le réseau social considère deux cas :
– Les pages de l’éditeur : il s’agit d’un acte pro-actif de l’éditeur qui est donc supposé donner son accord.
– Les contenus mis en ligne par les utilisateurs : Facebook demande l’autorisation pour afficher davantage que le lien + titre.
Plusieurs champs d’action restent possibles :
– Trois plaintes ont été déposées à l’Autorité de la concurrence par l’Alliance, le SEPM et l’AFP. La FNPS a saisie l’Autorité en appui des saisines.Ces plaintes portent sur un abus de position dominante et un abus de situation de dépendance économique des éditeurs avec une demande de mise en place de mesures conservatoires. Une réponse est attendue pour mars.
– Mesures conservatoires : l’idée est d’imposer de revenir à la situation antérieure et de faire une proposition de tarification dans un délai contraint.
– Il y a aujourd’hui un consensus pour aller vers la gestion collective. Deux acteurs sont à l’étude : CFC ou SACEM.
– Le CFC est déjà en lien avec les éditeurs. Si la SACEM est choisie, cette dernière articulera probablement son intervention avec le CFC pour ce qui est de la redistribution auprès des éditeurs.
– Problématique : contrairement au CFC qui redistribue 100 % de la rémunération aux éditeurs, charge à ces derniers de rémunérer les journalistes, la SACEM pourrait distribuer la part « auteur » directement aux journalistes et distribuer la part « éditeur » au CFC. Dans ce cas, l’application des accords d’entreprises sera problématique.
Autres pistes de réflexions pour débloquer la situation :
– Une commission type « copie privée » réunissant tous les acteurs pour trouver un accord de répartition de la valeur
– Une Gestion Collective obligatoire. Les éditeurs seront dépossédés de leur droit voisin au profit d’une société de gestion collective qui discutera en leurs noms.
– Une gestion collective étendue selon laquelle les droits des éditeurs sont gérés par principe par une société de gestion collective et peuvent faire l’objet, à l’initiative des éditeurs, d’une notification de refus de représentation.
L’attention est également attirée sur l’article 17 de la Directive droit d’auteur qui crée un dispositif de responsabilité des plateformes de partage pour la communication au public des œuvres partagées par les utilisateurs. La transposition est prévue dans le projet de loi audiovisuelle aux articles 23 et 24.
Il en est de même des dispositions de la Directive sur la fouille de texte (Text and data mining – TDM). Les deux exceptions obligatoires au droit d’auteur (recherche et exploitation commerciale) seront introduites en droit français par voie d’Ordonnance.
GESTION DES DROITS D’AUTEUR DANS LES PODCASTS
Xavier Filliol – Chef Operation Officer (Radioline) – Président de la Commission audio-digitale du GESTE
L’essor de l’audio digital, conséquence d’un nouveau mode de consommation des contenus a rendu nécessaire la création d’un groupe de travail dans le but d’accélérer les discussions pour une meilleure prise en compte des ayants droits.
Le podcast représente une part importante des contenus audios et les enjeux juridiques sont réels.
Plusieurs enjeux juridiques :
– Le droit de reproduction mécanique sur un serveur.
– Le droit de communication au public.
– Le droit de reproduction mécanique sur un ordinateur.
Plusieurs ayants droit :
– D’un côté les auteurs de podcasts, qui bénéficient du cadre du contrat de travail (accord d’entreprise pour la presse en ligne) ou dont les droits sont gérés par une société de gestion collective (SCAM, SACD ou SACEM).
– De l’autre les auteurs d’œuvres préexistantes insérées dans les podcasts (musique, œuvre littéraire, documentaire audio …). Ces droits sont couverts par l’INA pour l’exploitation de leurs archives (hors musique).
Plusieurs modèles économiques :
– Gratuit, financé par la publicité
– Abonnement
– Paiement à l’acte
– Soutien par don
Le GESTE a d’ores et déjà rencontré les sociétés de gestion collective (SACEM, SACD et SCAM)
Barème de la SCAM :
Seront concernés les producteurs/éditeurs effectuant un acte de reproduction ou de communication au public d’un podcast natif.
La SCAM, au même titre que la SACEM, a annoncé que les diffuseurs de type Spotify ou Sybel sont concernés également au même titre que les producteurs. Mais également les diffuseurs de type Apple ou Google podcast (qui techniquement n’hébergent pas de fichier mais référencent des liens XML) au titre de la communication au public (en distinguant la partie droit de reproduction mécanique).
Taux brut d’intervention : dépend de la présence du catalogue SCAM sur le service (défini par la SCAM après échange de documentation entre l’éditeur et la SGC).
–Modèle publicitaire : le taux brut va de 0,15% à 4,50% par tranche progressive (4,50% quand le répertoire de la SCAM représente plus de 50% de l’offre).
Assiette : recettes publicitaires, parrainages, dons et subventions;
–Modèle abonnement : le taux brut va de 0,20% à 6%, par tranche progressive
Assiette : recettes d’abonnement
–Modèle à l’acte : taux plein, de 4,50% (assiette = prix de détail HT, pas d’abattement).
Pour les deux modèles il y a aussi les recettes nettes que le service perçoit quand il est distribué par un tiers. Exemple : sur un modèle de flux RSS, un éditeur met à disposition ses podcasts, s’il y a un partage de recette avec le distributeur, les recettes nettes entreront dans l’assiette.
Abattements :
– Modèle publicitaire : frais de régie pub, au réel, capé à 30%
– Modèle abonnement : pour frais marketing de recrutement d’abonnés, au réel, capé à 21%
– Accompagnement au lancement des services : abattement dégressif sur les 3 premières années -20%, -15% puis -10%.
– Pour les services qui justifient d’un label RIAM ou équivalent, l’abattement est doublé.
Minimum garanti :
– Plancher, en fonction du modèle :
Gratuit : 1500 euros/an
Payant : 2500 euros/an
– Par utilisateur actif (au moins une session d’écoute dans la période de déclaration faite à la SCAM : annuelle/trimestrielle) : 1 centime d’euros / période de déclaration / utilisateur actif.
Par abonné (modèle payant) : 1 centime / mois / abonné
Territoires : France, Belgique, Luxembourg, Monaco, Canada francophone
La SCAM peut aussi couvrir les œuvres des sociétés étrangères via ses sociétés sœurs (ex : Pologne, Suisse).
Barème de la SACEM :
La SACEM a mis en place des conditions qui varient en fonction du taux de la musique.
Ces taux de redevance vont de 3 à 12%.
– Jusqu’à 15% de musique dans un podcast : taux de redevance à 3%
– De 15 à 30% de musique dans un podcast : taux de redevance à 6%
– De 30 à 70% de musique dans un podcast : taux de redevance à 9 %
– Supérieur à 70% de musique dans un podcast : taux de redevance à 12 %*
Ces taux vont être assortis, en fonction de la commercialisation de la mise à disposition des podcasts, par une redevance minimale.
Si le podcast est financé par la publicité : il y aura un minimum par stream ou par téléchargement.
– À un taux de redevance à 3% le minimum est à 0,0002 euros
– À un taux de redevance à 6% le minimum est à 0,0004 euros
– À un taux de redevance à 9 % le minimum est à 0,0006 euros
– À un taux de redevance à 12 %le minimum est à 0,0008 euros
A cela s’ajoute une redevance forfaitaire minimale par an, de 50, 100, 150 et 200 euros par service.
Assiette : intégralité des sommes générées par la vente d’espace publicitaire.
Dans le cadre d’un abonnement, les minimas sont par abonné.
– À un taux de redevance à 3% le minimum est à 0,125 euros
– À un taux de redevance à 6% le minimum est à 0,25 euros
– À un taux de redevance à 9 % le minimum est à 0,375 euros
– À un taux de redevance à 12 %le minimum est à 0,5 euros
Assiette : prix HT de l’abonnement
Les droits podcasts ne rentrent pas dans les accords actuels sur le streaming. Les deux seront dissociés.
Ces règles tiendront compte des différentes particularités : si le podcast est produit, hébergé et diffusé sur le site ou juste diffusé sans être hébergé.
Le barème de la SACD devrait être présenté avant la fin mars 2020.
Suite à ces premières réunions :
– Le GESTE regrette l’absence de guichet unique comme en radio, entre la SACEM, la SCAM et la SACD.
– La nature même du podcast fait qu’un programme peut rassembler des œuvres présentes dans chacun des catalogues de ces trois sociétés de gestion collective.
– Le GESTE n’a pu qu’attirer l’attention de ses membres sur l’impact économique que représente une telle addition de taux sur le business des éditeurs, notamment sur les nouveaux entrants. Selon nos premières estimations, le taux cumulé pourrait atteindre entre 20 et 30%, auquel il faudra ajouter les droits voisins pour la musique.
– Etant en situation de monopole, la SACEM se doit de mener une concertation avant d’imposer des tarifs
Le 24 janvier, au Salon de La Radio et de l’Audio digital, Marianne le Vavasseur, directrice de la régie de Deezer et co-présidente de la commission du GESTE, a présenté le Livre Blanc de l’Audio digital 2020 que le GESTE publie avec l’IAB France. Retrouver le livre blanc ici